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Monday, August 10, 2009

Les photothérapies en 2009

par le Pr Pierre Thomas (Hôpital Claude Huriez - CHRU - Lille)

La photothérapie aujourd’hui en France



Il y a actuellement en France 1298 dermatologues qui pratiquent la photothérapie (PUVA et UVB), et autant qui ont accès à des lasers, surtout à visée esthétique.
La photodermatologie a connu des heures de gloire dans les années 30 avec le Prix Nobel de Finsen et l’Institut d’Actinologie de Jean Saidman.
La plupart des médecins utilisaient les UV pour le traitement de la tuberculose et du rachitisme. Avec le développement des antibiotiques et de la vitaminothérapie, la photothérapie est tombée en désuétude.

Quand j’ai commencé à m’investir en photobiologie, je mettais au point un simulateur solaire à partir d’une lampe de projection de Cinérama et je bricolais une batterie de 12 tubes Blacklight pour la photothérapie et faisais comme Monsieur Jourdain de la Puvathérapie sans le savoir.
Les résultats spectaculaires de la PUVA dans le psoriasis, publiés par Fitzpatrick au début des années 1970, ont emporté la conviction et permis son essor.

Notre première cabine Dixwell, acquise en 1974 fonctionnait de 7h à 22h y compris le Samedi !
Actuellement nous disposons de 2 cabines mixtes TL09-TL01. La balnéo-puvathérapie est très utilisée car plus efficace avec moins de séances et de dose cumulée, et sans les inconvénients de la prise orale de psoralène (protection oculaire, nausées, interférences médicamenteuses). Il faut disposer de locaux adaptés (baignoire séparée dans une pièce communicante avec celle de la cabine) ainsi que d’un personnel dédié mais pour un CHU cela est justifié dès lors que la codification CCAM est satisfaisante.
La PUVA par voie orale est surtout réalisée par des dermatologues de ville à qui nous envoyons les patients pour des raisons de proximité dans le cadre d’un partenariat.
La photothérapie TL01 est largement utilisée pour les vitiligos, le psoriasis, les prurigos, et l’association UVA-TL01 pour les atopiques. Nous utilisons une lampe UVA 1 pour les poussées d’eczéma atopique et les sclérodermies en plaques ou en bande localisés, les formes étendues étant traitées par balnéo-PUVA. Une partie importante de l’activité est représentée par la balnéo-PUVA localisée, peu réalisée en ville mais très utile pour les psoriasis palmo-plantaires et les pelades.

En 2007, pour 3313 séances de photothérapie dans notre service, on compte 1456 séances de balnéo-PUVA localisée (palmoplantaire et pelades), 885 séances de TL01 (psoriasis et vitiligos), 610 séances de balnéo-PUVA générale (psoriasis, lymphomes), 205 séances d’UVA1 (sclérodermies, nécrobiose lipoidique) et seulement 156 séances de PUVA par voie orale (psoriasis).
En ville l’activité de photothérapie repose sur le psoriasis et les lucites en été. Les autres indications sont le lichen, le vitiligo et l’eczéma atopique.

Photothérapie et psoriasis

es dermatologues utilisent toujours la photothérapie en première intention dans le psoriasis mais avec le temps, nombre de patients ont atteint la dose totale limite.
Dans ces cas l’option habituelle est le méthotrexate plutôt que la ciclosporine. De fait, l’association successive de photo-thérapie à dose limite puis de ciclosporine cumule les risques cancérigènes de l’immunosuppression.
Avec le méthotrexate, c’est le risque hépatique et hématologique qui limite son usage, mais une photothérapie antérieure ne restreint pas l’indication.
Les biothérapies se développent rapidement mais en pratique sont surtout prescrites à des patients ayant résisté à la photothérapie ou dépassé les doses limites.
Les résultats ne sont pas supérieurs à ceux de la PUVA et les risques potentiels encore mal évalués sont à mettre en balance avec les risques connus et dose-dépendants des UV.
La place respective des traitements systémiques (rétinoïdes, méthotrexate), de la photothérapie et des biothérapies reste encore à définir. L’atteinte de la dose totale limite d’UV n’est pas la meilleure indication des biothérapies, surtout que les psoriasiques sont adeptes de l’héliothérapie parfois cumulée avec la PUVA malgré nos conseils.
Un échappement sous méthotrexate serait une meilleure indication. La photothérapie comme les biothérapies doivent s’intégrer dans le traitement rotatoire du psoriasis car elles ne sont que des traitements symptomatiques.



Psoriasis: PUVAthérapie ou photothérapies UVB?

Dans le psoriasis en grandes plaques épaisses, la PUVA est plus efficace que la photothérapie TL01 avec un blanchiment dans 90% des cas en 15 à 30 séances par voie orale pour une dose cumulée de 100 J/cm2, contre 15 à 20 séances de balnéo-PUVA pour une dose cumulée de 25 J/cm2.
La photothérapie TL01 est proposée d’emblée dans les psoriasis en petites plaques superficielles étendues. C’est le traitement de choix chez l’enfant et la femme enceinte. Il n’y a pas de mesures de photoprotection cutanée ou oculaire et moins d’effet phototoxique et probablement carcinogène.
Cependant l’équivalence séance PUVA - séance UVB doit être conservée pour le calcul du nombre de séances car la sommation de doses d’UVA et d’UVB n’a pas de sens.
L’association réti-PUVA n’est pas assez utilisée alors qu’elle permet de diminuer les doses et d’assurer un entretien avec les seuls rétinoïdes dès que le résultat est suffisant. Pour les psoriasis palmo-plantaires elle est nécessaire en association à la balnéo-PUVA.

Photothérapie et vitiligo

Les résultats de la photothérapie dans le vitiligo dépendent autant de la technique que de la motivation du patient et de la conviction du médecin.
L’évaluation des résultats est différente pour les médecins et les malades.
Un pourcentage de repigmentation comme un score PASI pour le psoriasis sont utiles pour comparer différentes méthodes mais n’ont pas de signification réelle pour les patients.
Pour le patient la constatation d’une repigmentation même partielle est un espoir de repigmentation.

Chez les patients de phototype foncé très motivés, on obtient les meilleurs résultats.
La PUVA induit une hyperpigmentation de la peau normale d’où une accentuation du contraste mal vécue ce qui n’est pas le cas de la photothérapie TL01. Celle-ci est aussi plus efficace et plus commode.
En pratique il faut 3 mois d’essai à raison de 3 séances par semaine pour savoir si le patient est bon répondeur.
Pour une meilleure observance on peut se limiter à 2 séances par semaine en commençant à 0,075 J/cm2 (la peau vitiligineuse correspond à un phototype I quelque soit le phototype du sujet) et augmenter de 20% par séance jusqu’à l’obtention d’un érythème léger qui doit être maintenu.
En pratique la difficulté survient chez les bons répondeurs qui atteignent 150 séances et ne peuvent continuer en raison du risque de cancer.
L’association tacrolimus-TL01 ne peut être recommandée car si elle donne une meilleure repigmentation, elle augmente le risque carcinogène.
Les cancers cutanés sont cependant extrêmement rares dans les vitiligos traités par TL01 car heureusement ces patients s’exposent peu au soleil pour éviter le contraste du bronzage.

En pratique pour les peaux claires je recommande d’éviter le soleil pour limiter le contraste. Je prescris un autobronzant adapté au phototype et un antioxydant destiné à limiter la destruction des mélanocytes.
Chez les sujets de phototype foncé, je recommande un essai de photothérapie TL01 pendant 3 mois avec contrôle photographique en lumière de Wood pour être objectif. En cas de résultat significatif pour le médecin et le malade, je poursuis 1 an
avec des périodes d’arrêt de 2 mois entre des cures de 3 mois.
Dans la majorité des cas j’ai constaté un arrêt de l’évolution sous traitement et une repigmentation dans 60% des cas (10% seulement de repigmentation complète). En l’absence de repigmentation, je ne poursuis pas la photothérapie.
Chez les enfants, en cas de vitiligo récent je prescris 2 mois de corticoides locaux et 3 mois de tacrolimus local pour les vitiligos anciens. Les greffes mélanocytaires sont réservées aux formes localisées segmentaires ou en cas de poliose puisqu’il n’y a plus de contingent pilaire, et sur les zones résistantes aux UV.

C’est en pratique difficile à réaliser car astreignant pour le patient et le médecin.

PUVAthérapie et cancers cutanés

L’interaction des psoralènes avec l’ADN est mutagène chez les bactéries et les cellules de mammifères.
Chez l’animal, l’association 8-MOP et UVA est cancérigène en application locale et en injection intra-péritonéale plus que par voie orale.
Chez l’homme il y a une corrélation démontrée entre les fortes doses et le développement des cancers cutanés. Le risque, dose-dépendant, est multiplié par 5 à 10 selon les études pour les carcinomes épidermoïdes et par 2 pour les carcinomes baso-cellulaires.
Globalement il est voisin de celui des greffés d’organe et justifie la même surveillance.
Les carcinomes épidermoïdes de la PUVA surviennent chez des sujets plus jeunes dans des zones non exposées et seraient plus agressifs. Il concerne en pratique les sujets de phototype clair ayant reçu plus de 250 séances.
Pour la photothérapie TL01, le risque serait multiplié par 2 et plus important que celui des UVB spectre large à dose équi-érythémale. Pour les UVA (TL10 ou UVA haute pression) utilisés pour le bronzage, le risque est multiplié par 4 pour le CBC et par 10 pour les CE.

Ce risque impose de ne pas associer de cocarcinogènes (arsenic, tacrolimus, ciclosporine…), de limiter les doses et le nombre de séances. Plus que la dose reçue, il faut tenir compte du nombre de séances (PUVA ou TL01), le risque étant globalement le même.
Il faut également tenir compte de l’exposition au soleil et du bronzage UVA.
Le patient doit être clairement informé du cumul de ces risques.
Il est nécessaire de limiter les doses et le nombre de séances (balnéo-PUVA et association aux rétinoïdes) de ne pas faire de traitement d’entretien, de ne pas faire de photothérapie pour une rechute localisée et de limiter le nombre de séances à 200 quelque soit le type de photothérapie.
En droit (Décision de la Cour de Cassation) le patient nous doit une information complète dans le cadre du Contrat de soin mais il peut changer de dermatologue sans avouer son nombre de séances !
Heureusement, la CPAM devrait avoir un relevé des séances remboursées. Voilà une justification médicale plutôt que comptable à refuser la prise en charge ! C’est peut-être cela la maîtrise médicalisée ?

Photothérapie et acné

Dans le Nord c’est encore le médecin qui décide du traitement mais le malade a droit à une information éclairée (loi du 4 mars 2002 article L1111-2 du Code de la Santé Publique).
L’acné est améliorée par le soleil dans 70% des cas. Ceci est vrai pour les lésions inflammatoires mais faux pour les lésions comédoniennes qui sont plutôt aggravées du fait de l’hyperkératinisation induite par les UV. D’où l’idée d’utiliser la lumière seule.
Celle-ci réagit avec la coproporphyrine sécrétée par Propionibacterium acnes. Il s’agit d’une réaction photodynamique de type II avec production d’oxygène singulet induisant une peroxydation lipidique du système membranaire de P.acnes.

Les essais cliniques sont encore préliminaires mais plusieurs sources sont déjà commercialisées puisque les sources de photothérapie comme les lasers ne nécessitent pas d’AMM mais doivent simplement répondre aux normes de sécurité.
L’étude contrôlée en simple aveugle de Papageorgiou compare la lumière bleue (415 nm), le mélange bleu et rouge (660 nm), la lumière blanche (15 min d’irradiation/j pendant 12 semaines) et le peroxyde de benzoyle. L’amélioration des lésions inflammatoires est de 50 à 60% avec le mélange bleu et rouge et le peroxde de benzoyle contre 25% avec la lumière blanche. Elle est plus rapide (dès la 4e semaine) avec la lumière qu’avec le peroxyde de benzoyle. L’amélioration des lésions comédoniennes est moindre.

L’apport de la PDT avec application d’acide delta aminolévulinique au traitement de l’acné est controversé. Dans une étude prospective ouverte sur 22 patients atteints d’acné dorsale, Hongcharu avait montré une diminution significative de la fluorescence bactérienne et de l’excrétion sébacée pendant 10 semaines avec 1 cycle et pendant 20 semaines avec plusieurs cycles.
Ces résultats n’ont pas été confirmés dans d’autres études.

En pratique l’efficacité de cette technique qui n’induit pas de résistance aux cyclines n’est ni spectaculaire chez les quelques patients que nous avons traités ni réellement démontrée. Les traitements classiques restent d’actualité à condition d’associer les cyclines, la vitamine A acide et le peroxyde de benzoyle. Quant à l’éviction solaire chez les adolescents c’est un vœu pieux et l’application répétée d’antisolaires de coefficient de protection élevé est potentiellement comédogène.
Au retour des vacances je reprends donc pour quelques mois le traitement pour compenser la poussée post estivale.

Mise au point sur le bronzage artificiel

Nous n’avons qu’une seule peau pour la vie. Préservons-la !

Le vieillissement cutané et les cancers cutanés sont dus aux UV. Ces faits sont connus du grand public et des organismes de Santé.
On ne peut cependant tout interdire et les discours négatifs s’avèrent inefficaces : Interdit de fumer dans les lieux publics, ne pas boire si l’on doit conduire, ne pas s’exposer au soleil, ne pas utiliser les bancs solaires, ne pas avoir des rapports sexuels sans protection, ...
En fait c’est l’abus qui est dangereux. Ceci justifie la régulation par décret de l’exploitation commerciale (décret N97-617 du 30 mai 1997 et Arrêté du 10 septembre 1997).
Le discours des dermatologues doit rester restrictif sans excès dans les campagnes grand public. En revanche individuellement le dermatologue doit conseiller à ses patients de ne pas les utiliser, en tenant compte de leur phototype, de la prise de médicaments photosensibilisants…
En pratique il vaut mieux limiter le nombre de séances plutôt que de tenter d’interdire totalement. Les UVA basse pression ne sont pas moins dangereux que les UVA haute pression mais au moins il faut 20 à 30 min pour une dose reçue en 3 min avec des lampes haute pression qui délivrent de 16 à 23 fois la dose d’UVA solaire. Les sujets à risque sont une contre-indication. Comme on demande bien un certificat de non contre-indication pour la pratique du sport, pourquoi pas pour la pratique du bronzage UVA.

On pourrait exiger de placarder la notice d’information suivante (Campagne des Dermatologues de Franche-Comté) :

- Les rayonnements ultraviolets peuvent provoquer le cancer de la peau et peuvent gravement endommager les yeux.
- Il est obligatoire d’utiliser des lunettes de protection.
- Les expositions intenses et répétées aux rayonnements ultraviolets peuvent provoquer un vieillissement prématuré de la peau ainsi qu’une augmentation du risque de cancer de la peau.
- Les dégâts causés à la peau sont irréversibles.
- L’exposition aux UV dans un but esthétique est interdite aux mineurs et aux femmes enceintes.
- Certains médicaments et cosmétiques peuvent provoquer des réactions cutanées indésirables parfois graves si vous exposez votre peau à des UVA.
- Tout appareil émettant des UVA ne doit pas être utilisé en cas de sensibilité importante au soleil, de cancer de la peau ou toute affection précancéreuse.

En matière de photoprotection solaire, l’éviction relative entre 11h et 14h reste justifiée ainsi que la protection vestimentaire. L’utilisation d’antisolaire n’est qu’un complément. En pratique ils sont utilisés pour le bronzage.
Il faut rappeler que les antisolaires protègent contre le coup de soleil mais ne doivent pas permettre de prolonger l’exposition.
L’utilisation d’un autobronzant incorporé ou non à l’antisolaire est une bonne mesure pour limiter l’exposition excessive des peaux claires dans l’espoir d’un bronzage trop cher payé par la peau. Une protection contre les UVA est un plus mais elle n’a de sens que si l’on diminue la protection UVB pour limiter la surexposition.
L’érythème solaire est peut-être une protection naturelle contre les excès !

Le matériel de photothérapie au cabinet

L’important est qu’il soit informé sur le matériel et les techniques durant son internat. Accaparés par le travail en salle, les internes négligent cette formation. Il est nécessaire qu’ils pratiquent eux-mêmes la photothérapie pour en connaître les difficultés et les avantages. Heureusement il y a le cours annuel de photothérapie de la SFPD et le livre de photodermatologie !

L’investissement est au minimum de 20 à 30000 € pour une cabine en plus d’un local adapté. L’association dans une maison médicale de dermatologues est la meilleure solution.
Il faut également tenir compte du marché local. Il n’y pas besoin d’une cabine tous les 10 km mais il en faut au moins une par arrondissement. Les autres dermatologues du secteur peuvent envoyer leurs patients au photothérapeute, chacun pouvant se spécialiser dans un autre domaine (ionophorèse, laser, chirurgie dermatologique, etc.)
La régulation de la démographie médicale passe aussi par l’accès à la photothérapie. Il est anormal que la photothérapie locale ne soit pas plus répandue en ville. Si dans un secteur plusieurs cabinets sont déjà équipés de cabines, le jeune installé peut opter pour la photothérapie locale utilisant les petits modules…

La rentabilité de l’investissement reste un point important. Le leasing à 2% du prix total est la meilleure option pour éviter l’amortissement linéaire trop échelonné par rapport à l’investissement initial. Les principaux distributeurs proposent des cabines performantes et sécurisées. Pour un investissement de 20000 € avec une séance à 19,20 €, il faut 20 séances par mois, soit 2 à 3 patients traités pour amortir l’achat en 3 à 4 ans !